Photo de ver de terre Allolobophora chlorotica prélevé pour analyse

Contamination des sols et des vers de terre par les pesticides : une menace silencieuse.

Des niveaux alarmants de pesticides dans les sols et les vers de terre - une large contamination de l’environnement par plusieurs molécules

Un manque important de connaissances sur le devenir des pesticides dans l'environnement et leurs effets non intentionnels entravent la compréhension et l'atténuation de leurs impacts sur les processus écologiques. Dans le cadre du projet RESCAPE (RESistance of agricultural landSCAPEs to pesticide transfers in soils and living organisms, Programme Ecophyto 2014), l’analyse de 31 pesticides couramment utilisés en grandes cultures en France a révélé la présence d’au moins un pesticide dans 100% des sols et 92% des vers de terre analysés, aussi bien dans les cultures traitées que dans les habitats non traités (haies, prairies et parcelles en céréales en agriculture biologique). Des « cocktails » d'insecticides, herbicides et fongicides contaminaient 90% des sols et 54% des vers de terre à des niveaux qui pourraient mettre en danger ces organismes bénéfiques du sol. Un risque élevé de toxicité chronique, pouvant impacter la reproduction des vers de terre, a été mis en évidence pour 46% des échantillons, à la fois dans les parcelles de céréales traitées et dans les habitats non traités considérés comme des zones refuges. Ces résultats fournissent des informations essentielles pour orienter la réglementation relative à l’utilisation des pesticides dans le cadre de la transition agroécologique.

Contexte et enjeux 

Environ 500 ingrédients actifs sont actuellement présents dans plusieurs milliers de produits phytosanitaires utilisés dans l'Union européenne (European Commission, 2020). Malgré les précautions prises par les agriculteurs lors de l’application des pesticides, ces derniers sont disséminés dans l'environnement par dérive de pulvérisation, volatilisation, infiltration et ruissellement depuis les zones traitées (Mottes et al., 2014). L’évaluation de la contamination des différents milieux (air, eau, sol), des organismes non cibles des pesticides et des effets indésirables sur l’environnement sont un prérequis pour une gestion plus durable des paysages agricoles.

Résultats 

Trente-et-un pesticides couramment utilisés en grande culture ont été analysés dans des sols et des vers de terre prélevés sur la Zone Atelier « Plaine & Val de Sèvre ». 100% des sols et 92% des vers de terre échantillonnés dans des parcelles conduites en agriculture conventionnelle, mais également dans des parcelles en agriculture biologique ou dans des habitats semi-naturels, contenaient au moins un pesticide. Bien qu’un plus grand nombre de molécules et des concentrations plus élevées aient été trouvés dans les zones traitées, une contamination quasi-systématique par un mélange de trois pesticides a été détectée : l’insecticide imidaclopride, l’herbicide diflufenican et le fongicide époxiconazole. Un risque élevé pour les vers de terre lié à ces mélanges de pesticides a été mis en évidence dans 46% des cas. 12% des sols présentant un risque de toxicité chronique pouvant affecter la reproduction des vers de terre provenaient de haies. L'époxiconazole, un fongicide relativement préoccupant de la famille des triazoles, a également été mesuré à des concentrations toxiques pour la reproduction des vers de terre dans plusieurs prairies et parcelles de céréales biologiques.

Perspectives

Les résultats suggèrent pour plusieurs molécules une bioaccumulation dans les organismes et une persistance environnementale plus forte qu’attendu. Si les zones non traitées ne sont pas exemptes de pesticides, les habitats semi-naturels (prairies et haies) et les parcelles en agriculture biologique restent tout de même dans la plupart des cas moins contaminées que les parcelles « cibles » des pesticides. Ces zones pourraient ainsi servir de refuges aux organismes dans les paysages agricoles, ce qui met en lumière l’importance de maintenir ces infrastructures agroécologiques dans les paysages agricoles.

La contamination d’autres groupes d’organismes non cibles (carabes, micromammifères) par ces pesticides est actuellement à l’étude. Les résultats, qui seront prochainement publiés, confortent ceux obtenus sur les sols et les vers de terre quant à l’ubiquité de la contamination et les molécules les plus retrouvées et les plus préoccupantes d’un point de vue écotoxicologique. Dans un projet compagnon (projet PING ; Pratiques agricoles, INteractions avec le paysage et exposition de la faune au Glyphosate : une approche écotoxicologique et socio-économique, Métaprogramme SMaCH) nous avons également recherché la présence de glyphosate et de ses métabolites dans les paysages et les organismes non cibles. L’ensemble des résultats permettra d’améliorer les connaissances sur les molécules les plus problématiques en termes de contamination des milieux et d’impact sur la biodiversité, et d’orienter les politiques publiques sur l’évaluation du risque et l’utilisation des pesticides dans les années à venir.

Références bibliographiques citées

- European Commission, 2020. EU-pesticides-database (2020).

- Mottes, C., Lesueur-Jannoyer, M., Le Bail, M., Mal´ezieux, E., 2014.
Pesticide transfer models in crop and watershed systems: a review.
Agron. Sustain. Dev. 34, 229–250.

- Pelosi C., Bertrand C., Daniele G., Coeurdassier M., Benoit P., Nélieu S., Lafay F., Bretagnolle V., Gaba S., Vulliet E. Fritsch C. 2021.
Residues of currently used pesticides in soils and earthworms: a silent threat?
Agriculture, Ecosystems & Environment, 305, 107167.
https://doi.org/10.1016/j.agee.2020.107167

Date de modification : 21 juin 2023 | Date de création : 30 novembre 2020 | Rédaction : C. Pelosi